La fin tragique d’Othello ne laisse pas d’interroger : comment l’amour le plus vrai a-t-il pu conduire aux convulsions les plus véristes de la jalousie ? Car en effet jamais couple n’avait montré plus d’indépendance dans l’amour face aux contraintes sociales, moins de volonté d’asservir l’autre qu’Othello et Desdémone.

Elle qui n’a vu et ne verra dans le visage de d’Othello ni blanc ni noir, aime l’homme radicalement différent du père, celui qui lui fit quitter les tâches domestiques pour écouter les récits de l’aventurier, puis se découvrir assez d’audace pour le suivre dans la nuit, avant d’afficher publiquement son amour, fût-ce au prix du rejet de la loi d’obéissance des filles envers les pères. Elle est à tout moment le digne pendant d’Othello, qui n’a renoncé à sa libre condition de nomade que par amour pour « la tendre Desdémone ».

Qu’est-ce qui fait la vulnérabilité de cet amour d’Othello et de Desdémone pour qu’un Iago puisse y introduire – y révéler ? – soupçon,  aveuglement, monstruosité ? Mais aussi, qu’est-ce qui fait la puissance de vie de cet amour d’Othello et de Desdémone pour qu’au plus profond de la nuit Desdémone trouve la force de reprendre à son tour la chanson du saule - ce jeune saule qui chaque printemps reverdit dans l’éternel ? Rossini mobilisera toutes les ressources du bel canto pour donner une Voix à cette aspiration à la vie, à vivre la vie comme présence - à soi, à l’autre, au monde.